Interview de Maurice Herschtal, auteur de « Réussir ses négociations avec les chinois »

Aujourd’hui nous recevons Maurice Herschtal, auteur d’un livre sur les négociations en Chine. J’ai eu le plaisir de le rencontrer cette semaine et il a accepté de répondre à 10 questions sur son parcours et son livre.

 

1/ Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs

 

Douze années passées en Chine, dont quatre à Hongkong et huit entre Changzhou et Shanghai, m’ont fait découvrir un pays fascinant, des gens très attachants et un monde des affaires plutôt perturbant: un gigantesque univers de paradoxes et d’ambigüités où le pire côtoie le meilleur, où les vérités sont relatives, où on peut trouver tout et son contraire.

Je me suis alors intéressé à la culture et aux valeurs de cette civilisation, pour essayer de mieux comprendre les comportements de mes interlocuteurs chinois dont l’attitude quelquefois me laisse encore perplexe…

Je suis devenu peut-être ce que les Chinois appellent un « œuf dur », blanc à l’extérieur et jaune à l’intérieur…

 

2/ Vous avez écrit un livre, pouvez vous nous en parler ? 

 

OUI bien sûr ! Un Chinois ne vous dirait jamais NON…

Ce livre est en fait le résultat de ma frustration lorsque je dirigeais notre usine de Changzhou : confronté aux malentendus, aux incompréhensions, à des situations que je maîtrisais mal, je me sentais mal à l’aise pour définir une approche adéquate ; dans certains cas le succés prévu (bravo Maurice !), mais dans d’autres cas l’échec inexplicable… (syndrome TIC : This is China).

Il me fallait trouver les clés de l’énigme.

Petit à petit, grâce à Bernard Fernandez (1) qui m’a aidé à ouvrir les yeux sur les méandres de la mentalité chinoise, j’ai commencé à dénouer les fils de cet écheveau inextricable.

A mon retour en France, il me semblait important de partager cette expérience.

J’ai eu la chance alors de croiser Anne-Laure Monfret qui a aussi vécu l’expatriation en Chine et qui avait déjà l’expérience de l’écriture et de la publication d’un livre chez Dunod (2).

C’est ensemble que nous avons co-écrit cet ouvrage et je l’en remercie vivement.

 

3/ Pouvez vous nous expliquer le meilleur passage selon vous ? 

 

Puisque vous me posez la question, selon mon humble avis, tout le livre est excellent (sic.)

Sincèrement, c’est plutôt aux lecteurs qu’il faudrait poser cette question.

Tout dépend en fait de ce que vous aimeriez y trouver : les ressorts psychologiques des hommes d’affaires chinois et leurs motivations, l’importance de la Face et des Guanxi, l’approche taôiste du temps dans les affaires, les techniques de management des équipes locales, les subtilités des négociations avec les Chinois, la volatilité du contrat, les pièges de l’art de la guerre, etc…

Ce qu’il est important de comprendre, c’est l’interdépendance de toutes ces notions : ce sont les différentes facettes d’un seul et même ensemble.  Si vous en maîtrisez les rouages, vous devriez être en mesure de gérer la plupart des situations, même imprévues.

 

4/ Quels seraient les 3 conseils que vous donneriez à un nouvel « expat français » qui devrait manager un équipe chinoise

 

– Ne soyez pas psychorigide : oubliez tout ce qu’on vous a appris ici sur le leadership participatif, sur  la gestion du temps, le brain-storming, les méthodes de management à l’occidentale,  etc…

– Vous vous trouverez plongé dans une société confucéenne où le respect de la hiérarchie et le paternalisme sont la règle : si vous êtes le chef, comportez-vous en chef, mais avec de la bienveillance, celle attendue de la part d’un chef de famille…

– N’abandonnez pas vos principes pour autant ; vous devrez former vos équipes à votre propre style de management ; mais cela prendra du temps car il vous faudra d’abord établir un climat de confiance, ce qui n’est pas toujours évident.

 

5/ Les 3 plus grosses erreurs des sociétés françaises en Chine, selon vous ?  

 

Je me suis longtemps posé la question : pourquoi certaines entreprises échouent douloureusement en Chine, alors que d’autres y prospèrent étonnamment ?

Je ne suis pas sûr d’avoir trouvé les vraies réponses, car les dossiers sont souvent complexes ; mais sous l’angle interculturel, voici quelques faux-pas à éviter :

– imaginer naïvement que le business-model qui fonctionne bien ici pourra se transférer là-bas sans problème.

– méconnaitre le fonctionnement des réseaux à la chinoise,  les « amis » et confondre par exemple Guanxi et corruption…

– sous-estimer (ou pire, ignorer) la notion de Face dans tous les aspects des relations avec les Chinois, que soit soit dans le management, les négociations, les relations avec les autorités ou la gestion des JV.

En particulier pour nous Français, notre approche arrogante les agace profondément.

 

 

6/ Vous êtes retraité, pourquoi choisissez vous de donner des formations ? 

 

Je pense qu’il est important de partager cette expérience de terrain longuement acquise, ainsi que tout ce travail de réflexion et d’analyse qui s’en est suivi.

Il m’a fallu beaucoup de temps pour commencer à comprendre le monde des affaires en Chine : tout est dans l’apparence et l’illusion ; c’est un théâtre d’ombres dont les clés sont cachées dans les coulisses.

La mission que je me suis donc fixée à mon retour est de sensibiliser ceux qui s’intéressent à ce marché, ou qui envisagent de s’expatrier là-bas, afin de leur faire gagner un temps précieux en évitant de faire les mêmes erreurs que celles que j’ai moi-même commises.

 

 

7/ Lorsque vous êtes rentré quel a été le plus gros choc (crise de l’expat qui revient) 

 

Redécouvir mon pays, la France et sa culture, que je croyais pourtant connaitre ; après douze années, le pays avait changé, les Français avait changé et moi aussi j’avais changé, et le fossé était profond. Je ne pouvais plus voir les choses sous le même angle.

Il m’a fallu me refaire une place au sein d’une société qui ne m’attendait pas (sauf la famille..)

Pour exemple, sur le plan pratique, trouver une location d’appartement est un vrai parcours du combattant lorsque vous habitez à l’hôtel, et que vous n’avez pas de contrat de travail, pas de feuilles de salaire, pas de garanties familiales…

 

8/ Qu’est ce que cela apporte d’écrire un livre sur la Chine ? 

 

Sur un plan personnel, cela m’a permis de cristalliser les réflexions que m’ont inspirées mon vécu dans le Pays du Milieu, et d’essayer d’en tirer des enseignements concrets.

Il m’est alors apparu plus clairement que ce pays qui est si déroutant pour nous,  n’est finalement ni l’enfer que décrivent certains, ni le paradis où se complaisent d’autres.

Mais le fait de mieux comprendre m’a fait aimer la Chine, et surtout apprécier ces Chinois que je trouve admirables, à condition de faire l’effort de les connaître.

 

 

9/ Quelle est la question que l’on vous pose le plus fréquemment , et quelle est votre réponse ? 

 

Pourquoi êtes-vous rentré ?

C’est probablement mon plus grand regret : devoir rentrer ici…

Mais la Chine n’a pas besoin de retraités étrangers et ne leur accorde pas de visa de résidence! C’est compréhensible, ils n’ont déjà que trop de vieux chez eux…

Ou alors il m’aurait fallu épouser une (jeune) Chinoise, mais ma femme n’était pas d’accord.

 

 

10/ Une question que vous aimeriez que l’on vous pose. 

 

Et si c’était à refaire ?

Oui, oui sans hésiter ! Et plutôt dix fois qu’une… J’aurais dû commencer par là.

Pour tout vous dire, les douze meilleures années de ma vie, professionnellement parlant !!!

 

 

 

  • Bernard Fernandez, Ph.D方树德博士  Professor, Dauphine University  .

 Founder 创办人 EKTA ASIA MANAGEMENT  开道 管理咨询(上海 )有限公司 

  • Anne-Laure Monfret auteur du livre « Comment ne pas faire perdre la Face à un Chinois » et co-auteur du livre « Réussir ses négociations avec les Chinois ».

Merci d’avoir répondu à ces questions.
D’autres informations que vous aimeriez savoir ? n’hésitez pas à écrire un commentaire.

 

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